Épisode 2 : Une entreprise de – de 10 salariés dans le secteur de la restauration : L’avis – La vie d’Alice.
J’ai rencontré Alice qui gère un restaurant rapide sur St Paul et qui va nous donner son avis sur le travail et sur sa façon de gérer une petite équipe (les prénoms ont été modifiés par soucis de confidentialité, car là encore une fois c’est une personne qui souhaite rester anonyme).
Vous trouverez dans un premier temps ce que je retiens de l’interview, puis vous prendrez connaissance de l’interview dans son intégralité. Sentez-vous libre de commenter et partager l’article.
Si vous souhaitez être interviewé, alors rdv à la fin de l’article pour prendre contact.
En bref
La motivation : au cœur de l’efficacité en entreprise
Dans le monde du travail, la motivation n’est pas un luxe, c’est indispensable. Avoir un objectif de vie ne se résume pas à une simple aspiration ; c’est le carburant qui propulse les individus à s’impliquer dans leur travail. C’est ce que l’on peut appeler, dans le jargon des psychologues, le sens au travail et le sens du travail (ça va, il y a du jargon plus compliqué que cela) – des termes qui peuvent sembler abstraits, mais qui sont cruciaux dans le quotidien professionnel. Trouver un sens à son activité, c’est allumer l’étincelle de la motivation.
Néanmoins, chaque personne trouvera du sens différemment. Ici, l’employeur nous parle de l’envie de son salarié de financer son permis, sa voiture. Nous avons ici la valeur de l’indépendance. Cette aspiration personnelle résonne dans chaque tâche qu’elle entreprend. Et c’est là que la magie opère : quand les valeurs personnelles s’alignent avec les objectifs de l’entreprise.
La personne trouve du sens à son travail, car elle a besoin de répondre à sa valeur d’indépendance. Bien évidemment, les valeurs , les besoins, les envies évoluent avec le temps.
Les entreprises doivent-elles rester attentive à ces évolutions de valeurs, besoins et envies de leurs employés pour adapter leur management ? Absolument !
L’expérience : plus importante qu’un diplôme
« L’expérience vaut plus qu’un diplôme » nous dit la personne interviewée.
Au-delà des compétences académiques, l’expérience incarne la sagesse pratique. Elle se nourrit du « bon sens », cette capacité à réfléchir et agir avec pertinence, comme si chaque action impactait notre propre vie. « Le bon sens », nous l’apprenons via nos expériences de vie, et non à l’école. La personnalité d’un individu, son approche du travail, tout cela compte.
Vous verrez dans l’interview : l’exemple du balai. Laisser ou non le balai dans une cuisine. Est-ce que chez moi, je laisserais un balai par terre dans la cuisine ? Certaines personnes diront « bien sûr que non », est-ce qu’elles le feront en entreprise ? Fort probable que non, sauf si effectivement elles ne sont pas du tout motivée, auquel cas il serait bon de reprendre les motivations. D’autres diront « oui », ou « jamais fait attention », alors fort probable que ça sera la même chose en entreprise. « Le bon sens » n’entrera pas en jeu, car il n’est pas intégré.
Lorsque je travaillais en restauration rapide, je me rappelle avoir souvent entendu dire ma patronne « là par exemple, il y a un papier sur la terrasse et Virginie passe devant, sans le ramasser », alors que pour moi, c’était logique de le faire. C’est ce qui va faire toute la différence entre une personne qui va continuer des années et une autre personne qui ne sera pas prise. C’est également ce qui va faire la différence entre une personne qui va aimer faire son travail et une personne qui ne va pas aimer.
Cela peut paraître anodin, mais reflète une conscience professionnelle : agir dans l’entreprise comme on le ferait chez soi. Ce qui rejoint ce qui a été mis en avant lors de la première interview. « Une bonne personne » c’est une personne qui va agir comme si c’était son entreprise.
C’est cette conscience qui distingue un employé ordinaire d’un collaborateur exceptionnel.
La responsabilité partagée
Qu’est ce que cela veut dire ? Le travail est une notion de responsabilité partagée. L’employeur a la responsabilité légale de veiller à la santé et à la sécurité de ses travailleurs. Pour moi, c’est également une responsabilité morale. Il en va de la bonne santé de l’entreprise.
C’est également de la responsabilité du salarié de dire ce qui ne va pas, d’être conscient de ses propres besoins et motivations pour aller vers ce qui l’anime et faire des demandes. En effet, lorsqu’une personne est toujours en retard, ou absente, c’est qu’il y a forcément un problème. Ce problème peut être d’ordre professionnel (« je ne me sens pas bien dans l’entreprise ») ou d’ordre personnel (« j’ai des problèmes familiaux »). Ne rien dire, ne rien demander, ne rien faire, cristallise la situation. Et, bien souvent la situation se détériore, car l’employeur ne peut pas savoir, et va se faire ses propres suppositions (et, je vous le donne en mille : les suppositions ne seront jamais la situation réelle). L’employeur va agir en fonction de ses suppositions et le salarié en sera d’autant moins motivé, voire en colère.
Ainsi, c’est de la responsabilité de l’employeur de chercher à comprendre et à faire évoluer ses conditions de travail au mieux. Et c’est aussi celle du salarié, de faire le choix de vouloir aller mieux, en trouvant des solutions, et en faisant des demandes, lorsqu’il le faut.
Présentation de l’entreprise
Présentez-vous, ainsi que votre entreprise :
Je m’appelle Samantha, j’ai repris le restaurant qui était à ma sœur il y a deux ans et demi. C’est un restaurant rapide car ma sœur est tombée enceinte et elle voulait prendre un congé maternité. Donc à la base c’était pour aider au sein de ma famille.
Quelle est votre vision de l’entreprise ? Quelle est votre mission ?
Moi, je vise mes clients. Je vise leur satisfaction. Je fais au mieux. Je gère une petite équipe, de 2-3 personnes, pas nombreuse, et volontairement. Pas nombreuse parce que gérer une plus grande équipe, ça demande beaucoup plus de responsabilités. Je ne sais pas si je m’en sens capable. Je souhaite que les choses soient bien faites, et il y a des petits détails, que j’aimerais que ça soit propre, que ça soit comme si, ou comme ça. Une plus grande équipe reviendrait à avoir plus de conflits, c’est plus complexe à gérer et il faut de la place.
Quand je demande à ce que quelque chose soit fait, j’ai le temps de bien regarder chaque personne. Si tout le monde a bien fait le travail et tout le monde connait ce qu’il a à faire dans la journée. Donc plus on est nombreux, et plus cela peut donner de la charge à l’autre si un travail n’est pas finit au mieux.
C’est plus facile pour vous lorsqu’il n’y a que deux personnes parce que vous contrôlez mieux les activités .
En tout cas, moi, avoir une responsabilité de 2 personnes est ma limite. Je pourrais peut-être augmenter mais à ce moment-là avoir un autre responsable dans le travail qui gère encore deux personnes. Sauf que, là où on est et ce qu’on fait, ça ne permet pas de prendre beaucoup de personne non plus. Il faut également les payer, ce qui n’est pas possible là maintenant. J’ai envie qu’il y ait une bonne entente.
Relation au sein de l’entreprise
Qu’est-ce qu’une bonne entente ? Comment arrivez-vous à avoir une bonne entente dans la structure ?
Je pense que plus on est nombreux et plus il y a des petits malentendus, des petits soucis, qui font que il n’y en a pas. En fait, je comprends que dans une grande société on peut avoir plus beaucoup d’employés, il faut de la place pour ça. Je n’aime pas quand on est trop l’un sur l’autre.
Pensez-vous que les salariés soient bien chez toi, et pour quelles raisons ?
Je pense que oui. On en parle. Je donne quelques facilités niveau congés par exemple. Et et aussi au niveau des horaires. Des fois on peut sortir plus tôt. Souvent ils sortent à 14h30 au lieu de 15h, car le travail est souvent finit. Maintenant qu’on a une bonne organisation c’est possible.
L’avis sur le recrutement
On entend souvent dire que dans la restauration, c’est compliqué pour recruter ou pour garder les gens. Qu’est ce que vous en pensez ?
Il faut trouver la bonne personne.
Comment faites-vous pour trouver la bonne personne ?
C’est le hasard, c’est la personne qui nous fallait qui tombe sous nos mains. Pour ici, la personne sortait du lycée en restauration, et je l’ai embauché directement. On cherchait déjà une personne, mais on hésitait entre plusieurs personnes. Et en fait, Eric a vraiment fait la différence parce que c’est un jeune dynamique, souriant, motivé. Ce n’est pas un jeune travaille juste pour travailler. Il avait des projets, il voulait une voiture, il voulait passer son permis. On le voit investi dans son travail et cela dès le début. Après 2 stages chez nous où j’ai pu voir ses compétences, je l’ai gardé dans un petit coin de tête et des sa sortie du lycée je lui ai proposé un CDI, qu’il a accepté.
Pensez-vous qu’il aurait été comme ça dans n’importe quel secteur ?
Oui, je pense du moment qu’il se sent bien là où il est.
Ça veut dire quoi, « se sentir bien » ?
Il m’avait parlé d’un autre endroit pour partir, mais c’était un peu trop loin de chez lui. Donc déjà, il y a l question de la distance pour lui.
Est-ce que recruter une personne est une tâche difficile ?
Ça pourrait être difficile dans le sens où je ne sais pas si je peux compter vraiment sur la personne au début. Car au début tout peut être bien, puis après, la personne peut commencer à avoir des retards, des absences. Par exemple le fait de rater le bus, ce n’est pas une excuse pour ne pas venir du tout. Tu viens quand même un petit peu en retard, mais tu viens parce que l’équipe compte sur toi. Je vois très vite la différence entre des gens qui trouvent des solutions aux problèmes pour venir travailler et ceux qui n’en cherchent pas. Et nous dans ce domaine, on a besoin de personnes sur qui l’on peut compter.
La motivation en entreprise
Est-ce que ça aurait été la même chose pour vous, si un jeune avec ces mêmes motivations, mais qui ne sortait pas d’un lycée de restauration, c’était présenté ?
J’aurais peut être pris. Moi, je préfère les gens expérimentés que les gens diplômés. Parce que les gens expérimentés, on voit tout de suite la différence. Les gens qui sortent de l’école, ils font les choses qu’on leur a demandé à l’école. Mais les gens expérimentés, ils font les choses parce qu’ils savent ce qu’ils font.
Par exemple, quelque chose de bête : on ne laisse pas un balai dans la cuisine parce que ça laisse c’est source de bactéries. On ne laisse pas ça dans la cuisine. Quelqu’un qui sort de l’école, il va laisser ça dans la cuisine par oublie, ou parce que ce n’est pas automatique, ce n’est pas évident. Alors qu’une personne expérimenté, sait qu’il faut déposer ça derrière. Avant de sortir de son travail, il va prendre le balai et va aller le déposer derrière parce qu’il sait que ça c’est source de bactéries.
Comment pensez-vous que les personnes gagnent en expériences ?
Je pense que ça vient déjà de la personne. J’ai quand même des collégiens qui sont déjà venus, donc ils n’ont aucune expérience mais qui travaillent bien. J’avais une petite Mahoraise qui était venue, elle était super. Très timide au début. Du coup je vais répondre à votre question pourquoi je me dis que les personnes se sentent bien chez moi.
Cette Mahoraise arrivait d’hexagone, elle venait tout juste d’arriver au collège ou au lycée je crois. Et elle cherchait un stage. Elle ne trouvait pas parce qu’elle venait tout juste de commencer c’est l’école qui nous a appelé pour nous demander si on pouvait faire un petit geste. J’ai accepté. Elle est arrivée, elle a été très très très timide et au fur et à mesure, avant la fin de première semaine, elle commençait à parler, à rigoler un petit peu avec nous et à la fin de la semaine, on mettait moi de la musique ou je chantais je ne sais plus, et elle bougeait, elle était en train de danser. Elle a finit par être à l’aise et s’ouvrir plus et j’en étais très contente. Elle avait les bons réflexes.
Qu’est ce qui fait qu’une personne va être plus à l’aise au bout de deux semaines ou une semaine et demi ? Qu’est ce qui fait qu’une personne timide, par exemple, ou introverti,va s’ouvrir ?
On parle, on respecte la vie privée et la vie professionnelle. Mais il y a aussi un lien que l’on crée, je pense, dans le travail. Et c’est pas être un patron strict. Ici, ce n’est pas une grande entreprise aussi de toute façon. On ne peut pas faire « patron patron », on vit ensemble un certains nombre d’heures dans la semaine. Il faut qu’il y ait un minimum d’aisance.
Vous dites que vous êtes une petite entreprise, et que vous ne pouvez pas faire « patron patron », c’est à dire ?
C’est important pour pouvoir garder son employé, il faut déjà garder un bon lien. Ne pas être trop sévère, laisser une certaine autonomie, de la liberté. Quand je parlais d’expériences toute à l’heure je parlais de la nature de la personne. Nous avons tous et toutes des natures différentes.
Pensez-vous que ce soit important d’aimer son travail ?
Aimer son travail ? Mais oui. Il faut déjà aimer travailler dans la restauration. Parce qu’on a besoin d’argent mais ils ont des objectifs, en tout cas personnel. Ce n’est pas juste vouloir de l’argent pour de l’argent. En tout cas ceux qui travaillent qui ont des objectifs, reviennent vers nous.
Vous dites avoir trouver « par hasard » les personnes que vous avez recruté ?
Pas au hasard. Ils sont déjà venus faire un stage chez nous et par hasard on tombe sur les bonnes personnes dans les stages.
Pensez-vous que c’est le hasard ou est ce que ça pourrez être une capacité à identifier un potentiel chez des jeunes ou moins jeunes ?
Oui, effectivement, ce n’est pas un hasard comme ça. C’est un hasard qui soit tombé sur nous, et qu’il ait fait un stage. Mais après on choisit les bonnes personnes, on voit si elles sont motivées, on voit comment elles réagissent, si elles sont à l’heure, On voit aussi si elles se reprennent sur quelque chose qui a déjà été dit. J’observe forcément tout, pour comprendre la personne et voir si ça pourrait aller chez moi ou pas.
Une personne qui va commencer à ne plus être fiable, à être en retard ou à ne pas trouver de solutions pour venir travailler. Qu’est-ce que vous faites ? Comment gérez-vous cela ?
Je ne vais pas investir non plus.Je n’ai pas trop de solutions. J’attends que son contrat finisse et je ne le prendrai plus, c’est tout.
Est-ce que vous demanderiez à la personne ce qui se passe ? S’il est bien ?
Ah oui, oui oui. Déjà, je demande des justificatifs Et après si la personne n’en a pas, Bah oui, je souhaite une explication et voir si elle doit prendre plus de jours, notamment en cas de force majeure.
Mots de la fin : management et recherche d’emploi
Est-ce que pour vous, c’est important de prendre en compte l’humain dans votre management, dans les recrutements, etc ?
Oui parce que sinon tu fais fuir des gens en premier. Déjà tu as une équipe, tu as besoin de ton équipe, parce que c’est un travail qui se fait à plusieurs et on ne peut pas le faire tout seul. Je dois compter sur eux comme ils doivent compter sur moi, que je sois malade ou pas.
Est ce que vous auriez un message à donner aux personnes qui sont en recherche d’emploi ou qui sont un peu désillusionnées par le marché du travail ?
Les personnes qui pensent qu’une entreprise ne veut pas embaucher, parce que j’ai déjà entendu cela, parce qu’elles pensent que oui, l’entreprise a les moyens d’embaucher rien que du fait qu’il y a une entreprise, il faut savoir que tous les mois il faut avoir de quoi payer ses employés. Il y a beaucoup de charges à payer aussi. Pour les personnes qui pourraient s’ennuyer au travail, moi, je pense, qu’il n’y a jamais rien à faire dans le travail, il y a toujours quelque chose à faire. Tu trouves, quelque chose à faire et c’est ça le point fort d’Eric, mon employé justement. Il faut satisfaire le patron et le patron satisfait les employés, comme moi je le fais avec Eric. C’est un échange mutuel.
Justement, les personnes pour qui ça se passe toujours mal avec les entreprises, qu’est ce que vous avez envie de leur dire ?
C’est d’essayer de faire au mieux, des deux côtés. Il faut que ça soit bien des deux côtés. Ça ne va pas que dans un seul sens. Une entreprise, c’est une équipe. Une équipe c’est quoi ? C’est de gagner ensemble. Et gagner ensemble, c’est quoi ? C’est travailler ensemble main dans la main.
Je remercie la personne interviewée pour ces échanges et le temps accordé à l’interview.
Merci à vous, pour avoir lu jusqu’ici.
Si cela vous a plu, je vous invite à commenter et partager l’article.
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Très intéressant article.
C’est « un cas » très intéressant. Les stages en entreprise ou les études en alternance sont vraiment un plus pour les futurs salariés et l’employeur. Le temps passé ensemble pendant les études est un investissement avec un retour au moment de l’embauche. Le recrutement est simplifié lorsqu’on connait déjà la personne et ses compétences. Le stagiaire connait déjà l’entreprise et l’équipe déjà présente, l’intégration se fait donc très rapidement.
Exactement,
Après il faut faire attention aux abus de l’apprentissage pour seulement bénéficier de la mesure … ce qui peut se voir pas mal à La Réunion.
L’apprentissage et un échange !
Je pense que les mesures devraient s’étendre aux relations intergénérationnels
Bel exemple de la confiance de l’entreprise envers un stagiaire. Celui-ci ne connait pas l’impact de son attitude, mais c’est ça qui va faire la différence entre celui qui reste et celui qui ne sera pas employé après son stage.
Et oui … ça semble tellement évidement … et pourtant, très peu conscientisé !
Article bien structurée.
On y prend plaisir à lire .
Bonne continuation.
Merci ça m’encourage 🤗
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