Épisode 1/30 : Partez à la découverte des avis d’une entreprise de – de 10 salariés, dans le secteur du commerce.
Vous êtes une entreprise avec des salariés et vous trouvez que gérer tout cela est compliqué ? Vous pensez que ‘les gens en veulent trop’, ‘qu’ils ne veulent pas travailler’, ‘qu’ils abusent’, etc. ? Alors, je vous encourage à remettre en question vos croyances en suivant cette série d’interviews…
Vous souhaitez connaître des avis d’employeurs ? Vous pensez que ‘les patrons sont tous des pourris’ ?
Pour rappel, j’ai lancé mon blog en annonçant un défi : découvrir 30 entreprises à La Réunion engagées dans un développement conscient, bienveillant et durable, et ce, en 3 mois : du 15 janvier au 15 avril. (Quelques jours de retard pour cette publication, car Belal – cyclone à LA Réunion – s’est invité le même jour. Je n’ai pas voulu lui voler la vedette)
Je partage avec vous ma première rencontre. La personne interviewée souhaite rester anonyme, car elle n’aime pas se mettre en avant et ne souhaite pas le faire. Comme évoqué dans un précédent article, c’est en partie pour cela que l’on peut avoir l’impression que les entreprises, et les employeurs, sont perçus comme des ‘esclavagistes’, des ‘tortionnaires’, des personnes ‘indifférentes aux salariés’. Ceux qui s’efforcent de bien faire en parlent plutôt rarement. De plus, nous sommes victimes de biais de généralisation, de conformisme et de pessimisme, qui nous encouragent inconsciemment à généraliser, à chercher des informations confirmant nos idées préconçues et, enfin, à retenir davantage les mauvaises expériences que les bonnes.
Avec ces articles je souhaite mettre en avant leur vision des choses et connaître leur avis.
L’interviewée va donner son avis, en tant qu’employeur, sur sa vision du travail, du recrutement, des salariés et des personnes en recherche d’emploi.
Je connais personnellement cette personne, c’est pourquoi l’interview utilise le tutoiement. J’ai toujours trouvé son mari et elle d’une bonté extrême. Ils m’ont toujours paru altruistes et dotés d’une grande empathie. J’ai toujours aimé les écouter parler de leur travail. Je leur ai même dit un jour que j’aimerais les interviewer, car ils sont pour moi un exemple. Et voilà, c’est chose faite. Je vous laisse apprécier l’interview, qui est divisée en plusieurs parties.
1. Présentation de l’entreprise
Alors, nous on existe depuis 2009. Mon mari et moi avons créé cette entreprise. Moi, ayant toujours été dans le commerce depuis l’enfance, mes parents dans la restauration, et lui ,de par son diplôme de mécanique et un bac pro mécanique, nous nous sommes orientés vers un magasin de vente de pièces détachées automobiles. Voilà, nous avons commencé tous les deux, et rapidement, nous avons embauché un salarié supplémentaire au plus au bout de deux mois, puis l’équipe s’est agrandie au fur et à mesure. Nous sommes maintenant 9.
A quoi sert pour toi, l’entreprise ?
L’entreprise, est un moyen d’avoir un salaire en fin de mois, mais pas seulement. C’est aussi le lieu où l’on passe un maximum de temps, presque plus qu’en famille. On y passe minimum 7h par jour, ce qui est énorme. Avec cela, pour que ça se passe au mieux , il faudrait travailler dans une bonne ambiance, avec le moins de conflit possible. Même si l’entreprise parfaite n’existe pas, il faudrait que tout le monde y mette du sien pour que l’ambiance au sein de l’entreprise soit agréable et que l’on évite les tensions. Pour les éviter, le mieux est d’en discuter dès qu’il en a une, en parler, de mettre les choses à plat et d’essayer de trouver une solution.
Quelle est votre mission ?
Moi, j’ai l’âme d’entreprendre. L’envie de toujours entreprendre est toujours présente. Je me retrouve toujours à évoluer au sein de l’entreprise, à développer des points de vente en plus, à agrandir l’équipe. C’est ancré en moi. ça me procure de la satisfaction : l’envie de réussir. Après, faut savoir que pour réussir il y a toujours des échecs. Ça a été un long fleuve tranquille jusqu’à présent. Il y a eu la crise Covid, dont on s’est bien sortis, sans dégâts. Depuis l’inflation des prix d’il y a quelques mois, ça fait un an que l’on commence à ressentir nos premières difficultés depuis l’ouverture de l’entreprise. Cela m’a appris aujourd’hui qu’il faut faire évoluer l’entreprise. Qu’on a des besoins aujourd’hui qu’on n’avait pas forcément hier, il faut s’adapter, trouver une solution à chaque fois.
S’adapter, c’est important ?
Oui, si on ne s’adapte pas, si on n’arrive pas à mener sa barque, le bateau coule. Il faut répondre à la demande, tant ,de notre personnel que de notre clientèle. De notre personnel, car il faut qu’ils se sentent bien au travail, qu’ils aient le cœur à y aller en se levant le matin, puisqu’ils y vont généralement 5 à 6 jours par semaine.
S’il n’y a pas l’envie d’aller travailler, il n’y a pas la motivation, il n’y aura pas les retours positifs derrière. La clientèle sera satisfaite si le vendeur est de bonne humeur, s’il est souriant, engagé dans ce qu’il fait, et s’il arrive à bien conseiller son client. C’est un client satisfait qui reviendra sans doute. Alors que si le vendeur est levé du mauvais pied, s’il n’a pas envie d’aller travailler, cela va se refléter dans son travail et tout découlera de là.
2. Management et bien-être des salariés
Est ce que tu penses que les salariés dans votre entreprise sont bien ?
Alors j’ai l’impression que oui. J’aime pas trop répondre à leur place, mais j’ai l’impression que ça va, qu’ils sont bien. J’aimerais bien savoir ce qu’ils en pensent réellement.
D’après ce que j’entends dire, ils me disent qu’ils se sentent bien dans leur métier. On ne les satisfait pas à 100 %, ce qui est tout à fait normal. On ne peut pas le faire parce que s’il fallait donner satisfaction 100 % à tout le monde, je pense que la barque aurait coulé depuis longtemps, pour des raisons financières dans un premier temps. On en veut toujours plus. La société veut que c’est une société de consommation, on est toujours en train de consommer plus, c’est une question d’argent finalement aussi. Même si je pense qu’ils sont quand même bien payés, je pourrais en juger par rapport à ce que gagnait mon mari en travaillant pour un concessionnaire, à sa sortie de l’école. Il était rémunéré à l’époque à peine 900 € par mois pour 35 h de travail. C’était le SMIC de l’époque aussi. Ce que je peux dire aujourd’hui, c’est que 90 % de mon personnel n’est pas au SMIC. Donc je pense que à ce niveau-là, je satisfais leur demande. Enfin, je dis ça, mais ils vaudront toujours plus.
Mais est ce que du coup pour toi, il n’y a que le salaire qui fait qu’ils sont bien ou non ?
Pas du tout, c’est l’entente. C’est créer des liens au sein de la société. C’est comme une petite famille. C’est se retrouver en dehors des heures du travail, ça se fait, mais c’est compliqué. Chacun a sa vie personnelle, chacun vaque à ses occupations, mais c’est créer des liens à travers des activités qu’on pourrait proposer au cours de l’année pour réunir l’équipe. Et puis qu’ils apprennent à se découvrir aussi en dehors du travail. On le fait chaque année, au moins une fois, un repas de fin d’année, ça c’est calé. Et une deuxième fois souvent pour se retrouver autour d’une activité, par exemple un canyoning ou location d’une villa pour l’équipe, pour qu’ils puissent partager des moments ensemble.
Est ce qu’il y a d’autres choses que vous avez mis en place pour donner envie aux personnes de rester chez vous ?
Alors j’y travaille. Nous sommes au 39 h par semaine, 5 jours et demi par semaine, donc ils sont quand même à leur poste 6 jours sur 7. J’ai entendu parler de concessionnaires qui mettaient en place la semaine des quatre jours travaillés. J’aurais bien aimé pouvoir offrir ça à mes employés, mais financièrement, c’est quelque chose qui n’est pas tenable pour nous actuellement.
Ce qu’on a décidé de faire cette année, c’est de les ramener à 5 jours travaillés par semaine en leur offrant deux jours de pause. Même s’ils ne font pas leur 39 h par semaine. Il y a un accord tacite avec les salariés pour en faire moins.
Ce qu’on a également mis en place il y a tout juste deux mois, c’est leur octroyer un temps aussi. À peu près deux fois 45 minutes pour chacun, de façon à ce qu’ils puissent faire une séance de sport ou faire autre chose qui leur plaît avant de venir travailler ou de pouvoir déposer leur enfant à l’école à tour de rôle le matin.
Mais là je vais rajouter quelque chose. Mes effectifs se sont réduits récemment, du coup on est obligé de revoir les besoins d’hier qui ne sont plus ceux d’aujourd’hui. Du coup, j’ai plus de difficulté à partir du 1ᵉʳ janvier à mettre en place ce système de pause de 45 minutes. Mais on compte bien y retourner d’ici le mois de février avec un salarié qui reprend le poste.
De quoi est dépendant le bien d’une entreprise ?
L’ouverture des points de vente, par exemple. Je ne peux pas fermer plus tôt que 17 h 30. Pourquoi ? Parce que les gens sortent souvent du travail aux alentours de 16 h et ont du temps libre entre 16 h et 17 h 30 pour venir acheter des pièces auto. Donc je ne peux donc pas me permettre de faire une fermeture plus tôt pour répondre à la demande de mon personnel. Cela pourrait mettre en péril la société.
Et la société en péril, ça signifie que personne n’aurait plus de travail.
Voilà, c’est exactement cela. La boucle est bouclée.
Quels conseils pourrais-tu donner en terme de management d’entreprises ?
Il faut surtout être à l’écoute des autres, savoir écouter son employé. Savoir répondre à ses attentes. Savoir dire non aussi quand c’est pas possible, mais toujours avec finesse. Il en faut pas brider une personne qui fait des propositions. L’essentiel dans une entreprise, c’est le résultat. Donc si on y arrive en passant par un chemin A et qu’un autre y arrive en passant par un chemin B, je ne vois pas où est le problème. Il faut vraiment qu’il y ait une bonne cohésion d’équipe pour arriver à un résultat qui satisfasse à la fois les employés et l’employeur.
Et qu’aimerais-tu dire aux personnes désillusionnés par le monde du travail, qui sont pessimistes, pensant que de toute façon, les employeurs s’en moquent, que c’est compliqué, que c’est dur de travailler ?
Je peux difficilement me mettre à la place de quelqu’un qui a travaillé pour quelqu’un d’autre, car je n’ai jamais été employée. Je ne sais pas si j’en serais capable. Sans doute que oui, car j’estime avoir une capacité d’adaptation, mais dans le respect de l’autre, toujours. Il faut toujours respecter son prochain.
J’ai accompagné beaucoup de personnes en recherche d’emploi qui sont affectées par le monde du travail et leurs expériences qui ne se sont pas bien passées avec l’employeur, etc. Que leur dirais-tu ?
De ne pas baisser les bras et que ce n’était peut être pas le bon poste ou la bonne entreprise, mais qu’il existe des entreprises qui sont capables d’écouter leur personnel.
3. Gérer les départs
Tes salariés sont-ils chez-vous depuis longtemps ?
Oui, j’ai eu la chance de ne pas avoir beaucoup de turnover dans ma carrière professionnelle. Le plus ancien, c’était le deuxième que j’ai embauché. Malheureusement, le premier nous a quitté il y a quelques années de ça. Le plus ancien est dans la boîte depuis plus de dix ou douze ans dans la boîte, Je ne saurais pas dire exactement.
S’il n’y a pas beaucoup de turnover, est-ce que cela signifie, au-delà de leur compétences professionnelles, qu‘ils aiment leur travail ? Et qu’est ce que ça veut dire « aimer son travail » ?
Alors oui, souvent dans ce secteur en tout cas, ce sont des passionnés de véhicules automobiles. Ils aiment préparer les moteurs. À La Réunion, ça se fait beaucoup préparation de moteurs, les runs sauvages où les officiels. Mon mari en est fan et c’est ce qui fait l’unité aussi de l’équipe je pense.
Donc ils partagent une passion pour la voiture. Est-ce que c’est quelque chose que tu regardes et identifies lors des recrutements ?
Si si, j’y prête un œil attentif quand même. Parce qu’une personne passionnée, c’est quelqu’un qui a envie d’être là. Ça ça joue dans la balance.
Ce n’est donc pas le critère principal de recrutement ? Qu’est ce que tu regardes en premier ?
Le caractère de la personne, sa capacité à se fondre dans le groupe, à s’adapter aux autres. C’est essentiel pour garder l’équilibre et une bonne ambiance dans la structure. Comme on dit en kréol « Une tomate pourrie gâte le panier d’accord » (rires)
Si tu avais une « tomate pourrie » dans le panier, comment réagirais-tu ?
Je ferais le nécessaire pour l’enlever, avant que le panier ne se gâte.
Essaierais-tu de comprendre et d’accompagner cette personne ?
C’est déjà arrivé.
Une personne qui est « une tomate pourrie » quelque part, est-elle nécessairement « une tomate pourrie » de partout, ou est-ce spécifique à ce panier ?
Ça dépend du contexte. Cela dépend de ce qu’elle a fait. Je ferai tout mon possible pour trouver des solutions, dans un premier temps. Et si, après un ou deux avertissements cela ne s’améliore pas, je pense qu’une des solutions est de s’en séparer. Si ça se passe mal avec un collègue, on peut essayer de trouver des solutions. Généralement on les trouve. Mais si vraiment le problème perdure, je pense qu’une des solutions qui s’offrent à moi, c’est de s’en débarrasser. Mais on n’a pas le choix à un moment donné si c’est pour le bien être de l’équipe
Et une personne qui souhaite partir, de son plein gré, pour des raisons familles ou autres. Qu’est ce que tu en penses ? Comment tu accompagnes cela ?
J’essaie toujours de trouver des solutions tant que c’est possible et que ça n’affecte pas l’équilibre de l’entreprise. J’essaie de répondre aux besoins de mon personnel, sans mettre en danger le bien être de l’entreprise. Il faut y penser.
Deux de mes managers sont partis. Le premier nous a quitté pour raisons personnelles. Sa femme ayant obtenu un poste en hexagone, il l’a suivi. Ce que j’entends tout à fait. Le deuxième a eu un poste à la mairie. C’est mon manager qui est parti. Il était bien content d’être avec nous. Sauf que à la mairie, on lui proposait ses week-end de libre, ce que moi dans le commerce, je ne pouvais pas lui proposer.
Et si une personne part, puis change d’avis et souhaite revenir, quelle serait ta réaction ?
Si j’étais complètement satisfaite de ses services ? On est reparti pour quelques années.
Il n’y a pas de rancune. Si les conditions le permettent, c’est ainsi. C’est la vie de la société. Cela fait partie des défis de l’employeur : toujours s’adapter, chercher constamment des solutions, toujours renouveler l’équipe. Moi, j’ai eu la chance d’avoir une équipe assez stable pendant ces années là. Mais voilà, on est à l’abri de rien.
4. Recruter : est-ce compliqué ?
Recruter, est-ce facile ou difficile pour toi ? Qu’en penses-tu ?
Le recrutement, c’est assez compliqué de trouver la bonne personne. Même en passant par Pôle emploi (France travail maintenant), lorsque nous demandons des CVs correspondant à notre offre, les retours ne sont pas toujours adaptés. Par exemple, j’ai reçu un CV d’une personne en médecine qui ne correspondait pas du tout à la candidature.
Ensuite, il faut que la personne fasse ses preuves, ce qui ne se voit pas forcément en deux mois d’essai. Souvent les gens donnent le meilleur d’eux même pendant cette période et après on peut être déçu par le sa suite. Mais quand même, il faut faire confiance. Moi, je fais confiance à mon instinct et je parviens quand même à déterminer si la personne pourrait convenir ou pas. J’ai été déçue quelquefois, mais rarement.
Pour quelles raisons as-tu été déçue ? Qu’est ce qui s’est passé ?
Alors souvent, c’était pour du vol, j’ai été. Ça fait partie aussi de la vie, de la société et se sentir trahi, enfin moi je le prends comme ça. C’est une trahison. Mais il faut savoir l’accepter et essayer ne pas prendre les choses trop à cœur ce que j’avais fait une première fois. Et puis j’essaie maintenant de relativiser et de me dire que, bon, ça fait partie des aléas de la vie, que cela existe dans toutes les sociétés et il faut faire avec.
5. L’employeur peut-il avoir tord ?
Tu dis qu’il ne faut pas prendre toutes les décisions seul. Et est ce que parfois, en tant qu’employeur tu te dis que tu as pris de mauvaises décisions ?
Oui, au cours de ma carrière, j’ai pris des mauvaises décisions. Par exemple, tout simplement lors de recrutements. Ce n’était pas de mauvaises personnes, mais c’est un choix, on peut pas savoir dès le départ. Ensuite, j’ai aussi pris de mauvaises décisions concernant la gestion de la société, qui pouvait mettre en péril justement la stabilité de l’entreprise. Mais il faut savoir faire marche arrière, réévaluer la situation et trouver des alternatives, des solutions pour que redresser le bateau.
Tu disais qu’on « ne peut pas prendre les décisions en tant qu’employeur tout seul. » Justement, est ce que tu t’appuies sur ton personnel, que ce soit les responsables ou les employés ?
J’ai toujours dit à mes employés que toute idée était la bienvenue. Sauf que il faut un capitaine pour diriger un bateau. En fonction de ce qui nous est proposé, mon mari et moi en discutons, et nous voyons si cela pourrait pourrait fonctionner, ou pas.
6. Profil de la bonne personne
Pour toi, qu’est-ce qu’une bonne personne ? Qu’est-ce qui est important ? Sur quoi te bases-tu quand tu recrutes quelqu’un ?
Dans ma structure, j’ai eu des perles. Une bonne personne c’est quelqu’un qui est investi, qui aime son travail, qui se donne à 100 % comme s’il s’agissait de sa propre entreprise. C’est quelqu’un qui prend les choses à cœur et qui sait faire la différence entre de bonnes décisions et des mauvaises décisions. Parce qu’en tant que gérant de société, on ne peut pas prendre toutes les décisions, on est obligé de déléguer et pouvoir compter sur quelqu’un. C’est ça, la bonne personne.
Ces perles, était-ce lié à leurs diplômes, leur expérience ou à leurs motivations, intérêts et personnalité ?
C’était vraiment quelqu’un qui agissait au sein de l’entreprise comme si elle était la sienne. Quand on parlait de la société avec nos collaborateurs, que ce soit les fournisseurs ou les clients, on parlait principalement de mon manager, Eddy. (Les prénoms ont été modifiés pour garder l’anonymat)
Il y a aussi mon deuxième manager, Etienne, et qui est parti à la mairie. Il était super aussi. En fait, tous mes collaborateurs, si tu veux, j’ai une équipe formidable.
J’ai une super équipe. Dans une société personne n’est parfait. Quand je dis une super équipe, ce n’est pas que nous sommes parfaits, loin de là. Mais nous arrivons les uns les autres à combler les lacunes des uns des autres.
Est ce que tu penses que c’est une question de coopération ?
Oui, tout à fait. Il faut que tout le monde y mette du sien, sinon ça ne fonctionne pas.
7. Être son propre patron ou salarié ?
J’aimerais revenir sur le fait que, pour toi, « une bonne personne c’est quelq’un qui agit comme si c’était son entreprise». Sachant qu’en réalité, ça ne l’est pas. Qu’en penses-tu ? Certaines personnes pourraient dire : «Je me donne à fond pour quelqu’un, et pourtant ce n’est pas à moi, et je n’ai pas forcément toutes les rétributions ». Qu’est ce qui motive les gens à se dire « je travaille pour quelqu’un et je suis bien comme ça»?.
Je pense que cette personne est aussi capable, comme moi, d’ouvrir sa structure et de foncer. La porte est ouverte à tout le monde. Il n’y a pas de verrou, pas besoin de diplôme spécifique, sauf dans certains métiers, comme la coiffure où il faut un diplôme. On ne pourra pas tous ouvrir un cabinet dentaire ou autre, mais en restauration, commerce, pas besoin de diplôme. Cependant, il faut avoir le temps de se lancer et il faut se dire que ce n’est pas toujours facile. Ce n’est pas toujours rose. Une fois qu’on a quitté le boulot, le salarié peut se dire « voilà, je suis chez moi, je pense à autre chose ». Mais le gérant, lui, il a toujours sur sa conscience toutes les factures à payer, tout ce qui tourne autour de la société. Sa vie c’est la société. Il la mange matin, midi et soir. Nous,on peut être en vacances et avoir la tête au sein de la société. Et il faut commencer bas pour arriver haut. Avant de créer une entreprise, j’ai vendu des fleurs, des letchis, j’ai fait de location de DVD avant de me lancer.
Donc pour le salarié, l’avantage c’est qu’il peut travailler comme si c’était son entreprise (avec envie et enthousiasme). L’avantage c’est que ce n’est pas le cas, et qu’il peut être tranquille si ça ne se passe bien. Penses-tu que tout le monde est fait pour créer son entreprise ?
Non, je ne pense pas que tout le monde soit fait pour être employeur. Après bon, ce n’est que mon point de vue, mais il y a beaucoup d’administratif à gérer. J’ai appris beaucoup de choses en ouvrant ma société que je ne connaissais pas, notamment sur l’URSSAF, des impôts, le régime juridique de la société. J’ai fait deux années de droit qui m’ont énormément aidé à comprendre tout le système juridique d’une société. Et je pense qu’il faudrait au minimum une formation de droit pour tout le monde pour avoir vraiment les pieds sur terre et pour que l’on soit à l’aise avec le système administratif français.
Malgré que tu sois employeur, tu as donc perpétuellement développé tes compétences pour être au mieux dans ce développement d’entreprise.
Oui, de toute façon c’est une chaîne sans fin, ça ne s’arrête pas, on en apprend tous les jours.
8. Le futur de l’entreprise
Comment vois-tu l’avenir de la structure ? Quels sont vos projets et les défis à relever?
Nous sommes en pleine évolution. Malgré les difficultés, nous avons pour projet de mettre en place un système de location de voitures. Parce il faut anticiper les lois qui évoluent. Une loi doit sortir interdisant la vente de voitures thermiques en 2035, et cela va toucher de plein fouet notre activité dans la mesure où s’il n’y a plus de voitures thermiques. Même si les voitures thermiques continueront de rouler un certain temps après 2035, cela aura un impact sur notre activité. la vente de pièces de ne fera plus de la même façon.
C’est pour cela que nous avons commencé à mettre en place un service de location. Le site est en cours de création, notamment pour pouvoir garder nos salariés et éviter les licenciements. Nous essayons de surmonter cette épreuve.
Les salariés vont-ils donc devoir changer d’activités ?
Oui, c’est un changement d’activité. Ça reste de la vente. C’est peut-être encore moins compliqué car il n’y aura pas besoin d’avoir de connaissances particulières sur un moteur. C’est une prestation de vente, c’est de la vente de contrat.
Malgré les difficultés, qu’est-ce qui vous donne la motivation pour continuer ? Qu’est-ce qui vous plait dans ce que vous faites ?
Le challenge. Pouvoir se challenger tout le temps. Il n’y a pas longtemps, je me suis dit « non, c’est bon, j’arrête ». J’aimerais bien revenir à mon ancienne structure. Un seul magasin, c’était bien. Et, je me retrouve deux mois plus tard à ouvrir un quatrième magasin.
Des fois je ressens un petit coup de blues, peut-être du fait se dire trop de prise de tête, il faut gérer beaucoup de choses. Parce que gérer des salariés c’est aussi du social. Mais dans l’ensemble, ça va. Quand je dis prise de tête au niveau salarial, c’est par exemple pour les départs. Je ne peux pas empêcher mon manager que j’adorais, de partir. Il doit partir. Il y trouve quelque chose qui correspond à ses attentes là-bas. Parce que je t’avais dit, c’était au niveau des horaires que c’était beaucoup plus sympathique parce qu’il ne travaillera plus les weekends. Il a une famille donc c’est compréhensif et avec ça, il n’aura plus de contact avec la clientèle, chose qu’il n’appréciait plus.
Il était à l’école avec Alexandre et il a toujours travaillé avec les clients. Et tu sais, les clients, ça peut être compliqué à la longue. Comme pour les patrons, il y a des clients cool, il y a des clients qui vont être pointilleux, qui vont te prendre la tête pour une broutille, ceux qui vont te manquer de respect. Et lui, il en a eu marre. C’est une opportunité pour lui. Je peux lui proposer plus, tu vois ? Mais s’il a marre d’être avec la clientèle, il ne restera pas chez moi.
C’était pour te parler de la prise la prise de tête que j’avais quand il est parti. Je perds quelqu’un d’extraordinaire. Je dois remplacer cette personne, mais remplacer par qui ? Je vais tomber sur qui ? Il faudra former la personne et recommencer. J’ai eu la chance et, je peux répondre encore à une de tes questions d’avant parce qu’il y a une personne qui nous a quitté au mois de septembre, qui est celui qui était parti en hexagone. Il est finalement revenu, et il revient vers moi. Donc s’il revient au bercail, c’est que oui il était bien j’imagine.
9. Stratégies de recrutement
Quelles sont tes méthodes de recrutement ?
Je publie l’annonce sur ma page Facebook et je l’envoie à Pôle emploi (France travail). Cependant pour Pôle emploi (France Travail), il arrive qu’ils m’envoient des CV qui n’ont rien à voir avec ma proposition d’embauche
Consultes-tu les CV sur ton espace professionnel de pôle emploi (France Travail) ?
Non.
Reçois-tu des CV directement de la part des candidats ?
J’en ai aussi
Et qu’est-ce que tu fais à ce moment-là ? Tu lis, tu les réceptionne ?
Je les réceptionne, je les regarde et puis je les garde sous le coude, au cas où j’en aurais besoin.
Réponds-tu à tous les candidats qui postulent chez toi ?
Nous sommes pas forcément bon élève à ce niveau.
Penses-tu que cela peut avoir un impact ?
Oui, c’est vrai. Il faudrait vraiment le faire. Le minimum serait de donner une réponse. C’est vrai. Mais en attendant, tu as tellement de trucs à faire, tellement de paperasse à gérer que tu lis, tu regardes, tu passes à autre chose et après on oublie de revenir et puis de donner une réponse.
Et pour quelles raisons est-il important pour toi d’améliorer ce point ?
Parce que pour la personne qui prend la peine de déposer son CV, il serait bien qu’elle sache si oui ou non elle a une possibilité de travailler avec nous, c’est la moindre des choses. Donc, un point à améliorer.
10. Mots de la fin
Est-ce que tu aurais envie d’ajouter autre chose?
C’est vrai, les gens disent souvent « Le patron, il s’en met plein les poches, le patron si, le patron ça, ». Il y en a que le font, il ne faut pas se voiler la face. Il y a de la vérité partout, mais il faut savoir que c’est pas facile non plus d’être chef d’entreprise. Nous n’avons pas d’heures.
Quand tu reçois en plus les charges à payer, les impôts, les factures, … ça ne facilite pas la tâche non plus.
Par rapport à moi je te dis depuis mon ouverture, depuis 2009, c’était un long fleuve tranquille, financièrement parlant j’entends. Les premières embuches, c’est depuis l’année dernière. Ça fait un an que ça dure à peu près. Ce n’est pas catastrophique encore, mais c’est tendu.
Pour éviter que cela ne devienne catastrophique, il faut trouver des solutions. D’où l’ouverture de mon quatrième point de vente, dans le but d’augmenter le chiffre d’affaires et de rester financièrement viable. Nous avons toujours été en évolution depuis 2009. Les frais augmentent, tout augmente, et du coup, il faut générer plus de chiffre pour rester stable et trouver le bon rythme.
En bref…
Je retiens de cette interview que gérer une entreprise est aussi complexe que de comprendre l’être humain. L’employeur peut partir d’une bonne intention sans pour autant satisfaire totalement l’employé. Il n’est pas facile non plus de recruter une personne qui trouvera du sens et de l’envie dans le poste proposé. Néanmoins, ce que l’on peut constater ici, c’est que, dans leur grande majorité, ces personnes idéales ont été trouvées. La personne interviewée parle d’une bonne intuition. Il est vrai que l’intuition est peu utilisée dans le monde du travail, alors qu’elle est le fruit d’une écoute attentive, l’écoute de soi dans nos rapports avec autrui. Elle nous parle également de l’écoute de ses salariés, de la prise en compte de leurs idées. En effet, les meilleures idées, souvent les moins coûteuses, proviennent généralement de la base. Car ceux-ci ont une approche de terrain et sont surtout les mieux placés pour savoir ce qui va faciliter leurs tâches. C’est une des lois fondamentales du vivant, que j’aborderai dans un prochain article, « tout part du bas vers le haut ».
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