L’avis d’un employeur – La vie d’un employeur : Le cas de WILLOW

WILLOW est une autre entreprise Réunionnaise que j’ai eu la chance de rencontrer. Elle met l’humain au cœur de ses pratiques d’entreprises. Réinventer le management n’est pas chose facile et c’est ce que fait cette entreprise que j’ai interviewé dans le cadre de mon challenge.

Introduction

J’ai eu la chance de rencontrer Julien Ferraro (J.F) qui a crée WILLOW avec son associé Mickaël il y a 20 ans, et Elodie Ramoune (E.R), la directrice générale, qui a rejoint l’entreprise il y a 10 ans en tant qu’assistante de gestion.

WILLOW a commencé son activité autour de la création de logiciels de gestion pour les stations services de la Réunion. Et puis petit à petit, ils se sont diversifiés, accompagnant principalement les gestionnaires de commerce de détail à la Réunion en créant des outils de gestion complète de leur activité. Aujourd’hui, WILLOW emploie cinq salariés.

Cet article explore comment les principes de gestion centrés sur l’humain peuvent transformer les entreprises de manière durable. À travers l’exemple de WILLOW, nous découvrons des pratiques innovantes et des stratégies efficaces pour favoriser un environnement de travail épanouissant, et cela même au sein d’une TPE.

Vous lirez dans cet article que l’entreprise a malgré tout déjà perdu des salariés, dont certains du fait qu’ils n’étaient pas en accord avec les changements effectués.

L’idée de ce challenge est de mettre en avant des entreprises qui essaient de faire mieux. Pour cela elles centrent leurs décisions et leurs actions en étant centrées à des valeurs humaines.

Cela ne veut pas dire que ces décisions et actions soient les meilleures ou qu’elles fonctionnent pour tout le monde. Cela veut seulement dire que des entreprises sont concernées et concentrées à agir pour un monde meilleur.

J’écris ces articles pour toutes les personnes qui pensent que cela n’est pas possible.

Et vous ? Pensez-vous que cela soit possible ? Racontez-nous en commentaire vos expériences …

Les valeurs de WILLOW

Les valeurs de WILLOW ont été co-construite avec le collectif et sont affichées dans les bureaux : « On a fixé ces valeurs là avec l’équipe. Ce n’est pas nous tout seul dans notre coin. On a fait une réunion et on a demandé : pour vous, quelles sont les valeurs de WILLOW ? Et est ce que vous y adhérer dans votre propre vie » explique Elodie Ramoune.

Comprendre l’approche centrée sur l’humain

L’importance de la singularité des individus

Elodie Ramoune cite Bill Gates : « Je choisirai toujours une personne paresseuse pour faire un travail difficile parce qu’une personne paresseuse trouvera un moyen facile de le faire » .

Embaucher des personnes « paresseuses » peut sembler contre-intuitif, mais il reconnaît la capacité de ces individus à trouver des solutions efficaces et simplifiées pour accomplir leurs tâches

D. Holmgren – Principe en permaculture

Cette anecdote souligne une facette souvent négligée de la gestion des talents : valoriser des traits non conventionnels qui peuvent stimuler l’innovation et l’efficacité.

L’entreprise WILLOW l’a bien compris et elle s’efforce d’embaucher en identifiant et en mettant en avant les talents et donc singularités de chacun. Julien Ferraro acquiesce, se considérant lui-même dans cette ‘catégorie’

J.F : « Je suis persuadé que les meilleurs développeurs sont paresseux »

E.R : « Ils vont trouver le code le plus court pour faire ça »

J.F : « Et je m’inclus dans les meilleurs développeurs ».

Nous pouvons souligner ici que les notions de qualité et de défaut sont très subjectives. Est-ce qu’en entretien, la question : « Quelles sont vos qualités et vos défauts ? » est finalement pertinente ? Ne devrions-nous pas plutôt questionner les talents des personnes qui prennent le temps de s’adresser à nous et identifier leurs singularités ? Pour ensuite se demander ce que ces singularités peuvent apporter à l’entreprise ?

Valorisation des compétences uniques

L’interview révèle que la reconnaissance des compétences uniques de chaque employé contribue significativement à l’amélioration de la productivité et du moral.

En mettant en avant les atouts individuels, les entreprises peuvent exploiter un potentiel souvent sous-estimé, menant à des résultats impressionnants et à une plus grande satisfaction au travail.

Un recrutement basé sur les savoirs-être

Cette approche se fait ressentir dans leurs pratiques de recrutement. En effet, ils vont davantage se concentrer sur la personne plutôt que sur les qualifications, bien que certaines connaissances techniques soient indispensables en fonction du poste.
Le process est en plusieurs étapes, ce qui permet la rencontre de plusieurs interlocuteurs et interlocutrices afin de multiplier les regards.

J.F : « Aujourd’hui, beaucoup plus qu’avant, c’est le savoir être plus que le savoir faire. On peut parler des compétences de base. En informatique savoir développer. Mais quand on recrute quelqu’un qui va faire de l’assistance aux clients par exemple, il n’y a pas d’école pour ça, je pense. Et puis il faut quelqu’un qui s’intègre dans l’équipe parce qu’il va devoir travailler avec ses collègues tous les jours. C’est plus facile à apprendre à faire de la compta qu’apprendre à s’intégrer avec ses collègues »

E.R « Quelqu’un qui a un bac+ 5 mais qui n’a pas la mentalité ou qui n’a pas des valeurs qui sont proches des nôtres, on ne va peut être pas le garder, on va le mettre un peu dans une position en dessous de celui qui a le bac+ 2 mais qui montre qu’il a envie ».

Stratégies pour implémenter un management humain

Création d’un environnement de qualité

L’entreprise souhaite créer un environnement qui soutient non seulement la croissance professionnelle mais aussi le bien-être personnel. Cela peut se traduire par des espaces de travail plus ergonomiques, des horaires flexibles, et un soutien accru lors des périodes de crise personnelle ou professionnelle.

La prise en compte de l’humain : un environnement soutenant

L’écoute des besoins

La directrice générale est attentive aux changements d’humeur ou d’habitudes des salariés, et elle sait aller les questionner lorsqu’elle sent que quelque chose ne va pas.

E.R : « C’est déjà arrivé de dire bon, on va prendre un café, on sort du bureau et poser la question : Qu’est ce qui se passe, dans la vie ? dans le travail ? En précisant bien que là, il s’adresse pas forcément au président ou au directeur, mais qu’il s’adresse à la personne et que c’est un discours ouvert. Et puis la phrase qui revient souvent c’est « est-ce que tu as besoin d’aide ? »

Cela nous est arrivé deux ou trois fois, d’envoyer un mail à la médecine du travail en disant que l’on sent qu’il y a une personne qui est en souffrance, qu’est ce qu’on peut faire ? ».

J.F : « Parfois il y a des des problèmes en dehors du boulot. Si la personne est dépressive à la maison, elle ne va pas être bien au bureau et on n’a pas forcément les manettes pour pouvoir l’aider sur ce sujet là… »

E.R : « La seule chose qu’on peut faire à part demander « est-ce qu’on peut t’aider ? » c’est prendre du temps pour soi et c’est déjà arrivé. Même pour moi où j’ai appelé Julien en lui disant que j’avais besoin de temps. Même quand j’étais assistante et on m’a proposé de prendre une semaine, même deux, et puis quand c’était ok de revenir.
On n’a pas beaucoup de latitudes non plus pour agir. Donc à part dire aux gens qu’on les déleste d’une partie de leur travail, ou bien on revoit les priorités, les tâches qu’ils ont à faire, on réorganise.
La personne souffle et puis après on réintègre les tâches. »

L’entreprise sait vers quels partenaires se tourner pour demander conseil et prendre cette responsabilité de les contacter.

Valorisation des talents

L’entreprise met également en œuvre des actions pour valoriser les talents de leurs salariés, notamment via un mur de compliment.

E.R : « En interne, on a un mur des compliments aussi. Quand un client ou un partenaire complimente une personne, l’équipe, des fonctionnalités ou nous-même en interne on le met sur le mur des compliments. Comme ça chacun peut passer et relire de temps en temps parce que ça fait du bien. »

Le mur des compliments dans les locaux de l'entreprise WILLOW
Le mur des compliments dans les locaux de l’entreprise WILLOW

La prise en compte des conditions de travail : la gestion du temps et de la charge de travail

Après quelques temps de réflexion et d’observation, l’entreprise a décidé de tenter l’aventure de la semaine des 4 jours pour optimiser les conditions de travail de ses salariés.

Ils expliquent que l’exercice n’est pas forcément évident et doit être réfléchi, mais à ce jour ils en retirent plus d’avantages que d’inconvénients, tant dans la satisfaction de leurs salariés, qu’en termes de productivité. L’entreprise adopte également une flexibilité horaire et a mis en place le télétravail.

E. R : « Le changement, le plus gros, c’est forcément la semaine de quatre jours qui a été mise en place l’année dernière. »

J.F : « La difficulté, c’est que tout le monde n’a pas le même jour off. Donc quand on veut se retrouver, faire des réunions, on a décidé que tout le monde était là le mardi. Donc en général, c’est une journée où il n’y a quasiment que des réunions.

Parfois, c’est un peu plus complexe d’organiser le planning parce que il y a un truc à faire mais ce ne sont pas des problèmes insurmontables, j’ai l’impression.

Et on a même certains services comme le développement où la productivité a légèrement augmenté. Ce sont des métiers où il faut être concentré et être interrompu le moins souvent est important. Le fait d’avoir que quatre jours pour faire quasiment le même nombre d’heures, on a des journées de 9 h, donc moins d’interruptions ».

E.R : « Avant ça, on avait mis le télétravail deux jours par semaine. Les horaires flexibles. Ce n’est pas une règle écrite, mais quand un collaborateur signe chez nous, on lui demande quels horaires il souhaite faire du moment que les 35h par semaine sont faites.

Nous, ça nous est égal. Donc autant que la personne choisisse ce qu’elle a envie de faire.

On travaille avec des magasins qui donc eux sont ouverts de 9h le matin jusqu’à 18-19 h pour ceux qui ferment plus tard et des stations qui sont ouvertes 24 h sur 24 ou qui ouvrent à 5 h du matin. Donc, quel que soit le moment il y aura potentiellement un client qui a besoin de lui. Donc tant qu’à faire, que chacun choisisse ses heures ».

J.F : « De 18 h jusqu’à 8 h le matin, il y a quelqu’un qui est d’astreinte. »

E.R : « Ils s’auto-gèrent. Il y a un responsable technique et ils font une réunion pour se dire qui prend quelle semaine sur la base du volontariat. Si quelqu’un n’a pas envie de faire d’astreinte ce mois ci ou ne peut pas, ils s’arrangent ».

Une compréhension de ce qu’est la QVCT

QVCT pour Qualité de Vie et Conditions de travail. Le mot QVT s’est transformé en QVCT, car, après quelques années d’expérimentation, l’ANACT et d’autres organismes spécialisées se sont bien rendus compte qu’il y avait une mauvaise compréhension du terme « QVT ». La notion de « conditions de travail » est bien (trop) souvent occulté des actions.

Les responsables de WILLOW ont bien compris l’enjeu systémique de la QVCT, et l’abordent au quotidien ainsi que lors des journées dédiées. Ces journées permettent d’aborder différents thèmes qui tournent autour du travail pour optimiser le sentiment de mieux-être au travail, sont abordés.

Ainsi, ils agissent sur les conditions de travail ainsi que sur la santé via la nutrition, les gestes et postures, l’état psychique, la cohésion d’équipe, …

E.R : « Quand il y a la semaine de la QVCT, c’est l’occasion pour nous à chaque fois d’en remettre une couche. On fait des activités et on essaie de changer chaque année. Soit c’est la semaine où justement on donne des conseils sur comment s’organiser à son poste de travail, des conseils sur l’ergonomie… Une année, on a fait venir une diététicienne pour savoir comment préparer sa gamelle équilibrée pour le bureau. On fait également des petits déjeuners healthy. »

La prise en compte des besoins du monde

Le cœur de métier de l’entreprise WILLOW est technologique, ils utilisent très peu de papier, et lorsque c’est le cas c’est du papier recyclé. Les factures ne sont plus imprimées depuis plus de 2 ans et ils ont été une des premières entreprises à travailler avec l’entreprise bureau recyclage (que j’ai également interviewé).

Ils ont également développé la location de matériel et se sont lancé par la même occasion dans l’économie circulaire et solidaire.

E.R : « Une fois par an, je fais un grand tri de tout le matériel qu’on n’utilise pas. Et on en fait don à des FabLab qui eux utilisent des pièces pour construire des choses, pour faire des activités avec des enfants, avec des adultes. Ils fabriquent des robots. Ces outils sont utiles pour eux.
Avec la location ou le matériel qu’on récupère, soit on l’utilise pour du spare, pour dépanner un client, soit on fait don à une association. On demande à l’équipe ou aux clients à qui on a loué s’ils connaissent des associations qu’ils pensent bien, ce qui permet de donner une seconde vie auprès de personnes qui en ont besoin pour leurs projets. »

J.F : « Le principe de la location, c’est qu’on ne vend plus du matériel informatique, on fait de la location longue durée et au bout de trois ans, on change le matériel de nos clients. C’est vertueux parce que nos clients ont toujours quasiment du matériel neuf, donc moins de soucis.
Ils sont contents. Nous, on récupère du matériel qui est encore en bon état de fonctionner, auquel on peut donner une seconde vie auprès d’autres clients ou comme dit Élodie auprès d’écoles, ou d’associations. Ce qui fait que nos clients participent aussi à l’économie circulaire. Ils sont contents de le faire, de faire profiter des gens qui en ont besoin et qui n’auraient pas les moyens de s’acheter ce type de matériel. En fait, chaque fois que l’on y réfléchit, il n’y a que des bons côtés. »

Ces différentes actions permettent de donner du sens aux activités et d’impliquer les salariés dans ces actions de sens.

L’interview a mis en avant que des initiatives de l’entreprise participent aux changements d’habitudes des salariés. En effet, chaque salarié a sa propre bouteille, ce qui a diminué l’utilisation de plastique et la consommation de sodas en cannettes a quasi disparu au travail. Le café est repassé en version moulue, ce qui permet d’utiliser le marc de café pour les jardins ou les plantes au bureau.

E.R : « Ce sont sont des petits gestes simples qui au final ont un impact dans la vie. Cela vient aussi avec le fait que nous tous, on grandit. On a conscience d’être sur une île et la moitié de l’équipe a des enfants et se demande ce que l’on va laisser derrière?  ».

L’entreprise WILLOW est engagée dans l’accompagnement de gestes individuels pour un mieux-être collectif.

Parlons permaculture au travail

Comme à mon habitude, je propose aux personnes que j’interviewe de tirer une carte « permaculture au travail ».

Découvrons des aspects biomimétiques de WILLOW :

Julien Ferraro :

« C’est lorsqu’on récupère du matériel qui est encore quasi neuf et qu’on en fait profiter l’écosystème des écoles, des associations.

L’année dernière, c’est quasiment 30 % des bénéfices qui ont été redistribués à l’équipe. C’est un cercle vertueux où les gens vont vouloir participer à cela. Ça ne leur coûte pas forcément beaucoup plus cher parce qu’il y a aussi des avantages sur la location. Quand on équipe une boutique, on n’a pas forcément environ 25 000 € de matériel de trésorerie à mettre tout de suite. »

Elodie Ramoune :

« Je vais faire le lien avec le fait de complimenter. J’ai une enfant par exemple qui est TDAH et qui ne fonctionne justement pas au contrôle ni à la punition, mais à la récompense. Et effectivement, quand on a eu cette réflexion chez WILLOW il y a plusieurs années si c’était normal de féliciter quelqu’un pour juste le travail qu’il est censé faire au quotidien. On se rend compte que si on le fait pas, ils ne se sentent pas reconnu et donc il y aura une tendance à moins s’investir dans son travail. ça n’empêche pas d’avoir des indicateurs.

Le fait de dire à la personne : « je reconnais ce que tu fais et je suis content que tu le fasses avec nous », c’est peut être plus encourageant que de dire : « mais là tu as fait deux tickets alors que tu aurais dû en faire trois ».

Conclusion

En plaçant l’humain au centre de leurs stratégies de gestion, les entreprises comme WILLOW ne se contentent pas de prospérer; elles cultivent un écosystème où chaque salarié peut atteindre son plein potentiel.

L’interview d’un co-dirigent et de la directrice générale WILLOW nous montre qu’il est non seulement possible mais essentiel de repenser nos approches de la gestion pour bâtir un avenir où chacun se sent valorisé et impliqué.

Cela peut commencer par de simples gestes, qui peuvent faire toute la différence au quotidien, dans sa vie et pour le monde.

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