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L’avis d’un employeur – La vie d’un employeur : Épisode 6 – Le cas du restaurant inclusif L’Olivier

Introduction

« Moi, je ne vois pas un handicapé, je vois un humain, une personne qui a un cœur, qui a des jambes, qui vit sa vie et qui doit prouver qu’il est aussi bon que les autres ».

Bruno Rondeau (gérant de l’olivier)
resutaurant L'olivier
Restaurant L’Olivier situé au Tampon

La genèse de la passion

Nous démarrons l’interview avec M. Rondeau qui m’a parlé de son parcours, débuté dès l’âge de treize ans, qui témoigne de sa passion inébranlable pour la cuisine. Cette passion, héritée de l’observation de sa mère cuisinière, l’a conduit à embrasser une carrière exigeante, marquée par des journées de 17 heures dans ses jeunes années. Il souligne combien les exigences du métier de restaurateur ont évolué, souvent allégées par les régulations, mais toujours aussi intensives.

B.R : « Enfant, je n’ai pas poursuivi les études. J’ai été poursuivi par les études. Je n’étais pas du tout scolaire. Ça ne me plaisait pas du tout. J’ai donc commencé à vouloir travailler très tôt. J’ai commencé à 12 ans à essayer de faire de la menuiserie ébénisterie. Ça ne m’a pas plu du tout et dès 13 ans, je me suis lancé dans la cuisine. Je faisais environ 17 à 18 h par jour. Je n’avais qu’une journée de congé, c’était le jeudi et c’était aussi le jour de mon école. Et ça a duré 4 ans. Aujourd’hui, je me dis que c’était trop. Mais, est ce que maintenant ce n’est pas pas assez ? »

«  C’est quelque chose qui m’intéressait par la créativité, par le mouvement, par des services énormes. On ne s’endormait pas sur un bureau, il fallait vraiment y aller. C’est ce qui me plaisait et encore aujourd’hui d’ailleurs. »

Un modèle de gestion centré sur l’humain

Au restaurant L’Olivier, la gestion des employés est profondément humaine. Les gérants adoptent une approche inclusive, recrutant des personnes en situation de handicap et/ou éloignées de l’emploi et offrant un environnement de travail qui favorise l’intégration et le développement personnel. Un exemple frappant est celui de Romain, un jeune en situation autistique, qui a trouvé sa place et évolue désormais avec confiance dans la cuisine de L’Olivier. Vous trouverez son témoignage dans un prochain article.

B.R : « Je suis issu d’une famille qui fait du social. Ma mère a été dans le social pendant 40 ans et j’essaye de comprendre ou de sauver des âmes perdues. Par exemple un, de mes salariés très introvertis que j’essaye à ce qu’il soit un petit peu plus ouvert. Mon deuxième employé, c’est un autiste qui a passé son CAP avec brio. Quand il est arrivé, il était très introverti, très timide. Il ne parlait pas, restait dans son coin.

Quatre ans plus tard, Romain est capable de tenir la cuisine. Je pense que les gens se sentent bien chez nous parce qu’on ne leur donne pas que l’amour du travail, on ne leur donne pas que des connaissances, on leur donne beaucoup plus que ça. On travaille beaucoup avec notre cœur et ce sont plus que des employés. Ils font partie de la famille. Ils font partie d’un ensemble parce que nous, sans eux, on n’est rien. On ne peut pas faire tourner une entreprise comme celle ci, si petite qu’elle soit, tout seul. Nous, on est le noyau, mais pour que ça fonctionne, il faut qu’il y ait tout un tas de petites choses tout autour qui aident à faire fonctionner ce noyau.Ici, les employés sont considérés comme comme des gens qui font partie d’un ensemble et c’est l’ensemble qui fait tourner le restaurant ».

Adaptation aux contraintes modernes

M. Rondeau a discuté des défis liés aux régulations du temps de travail, comme les contrats de 35 heures hebdomadaires, qui sont difficiles à appliquer dans le secteur de la restauration où la flexibilité est essentielle. L’Olivier a dû s’adapter en modulant les horaires et en fermant certains jours pour répondre à ces contraintes tout en maintenant un service de qualité.

B.R : « Les gouvernements successifs ont allégé le travail. Et à mon avis, beaucoup trop, parce qu’aujourd’hui, on a des contrats de 35 h. Dans la restauration, c’est quasi infaisable. On les fait en trois jours si on veut vraiment travailler correctement. Donc ce qui fait qu’on a quand même été obligé de réduire le temps d’ouverture et d’augmenter les jours de fermeture. »

Nous sommes dans une époque où le travail n’est pas forcément une priorité. C’est une priorité financière, mais pas forcément morale.

Sarah amoros

Recrutement et rétention des talents

Un autre défi majeur est le recrutement et la rétention des talents dans un métier exigeant. M. Rondeau insiste sur l’importance de détecter la passion chez les candidats. Cette passion est le moteur qui permet de surmonter les difficultés du métier et de rester motivé sur le long terme.

B.R : «Vous savez, depuis la nuit des temps, seuls 5 % des apprentis continuent la restauration. Aujourd’hui, il faut vraiment que ce soit un métier de cœur, un métier de passion. Si on n’a pas cette envie, cette passion le matin en se disant aujourd’hui qu’est ce que je vais faire ? Je vais inventer un truc. Ce n’est pas un travail mécanique. Vous n’arrivez pas dans votre bureau, vous ouvrez votre dossier, le téléphone,et où l’on fait ses comptes sur l’ordinateur. Vous voyez ce que je veux dire ? C’est un métier de surprise, pour lequel il peut arriver n’importe quoi à n’importe quel moment : un client mécontent et un client très content. C’est vraiment un métier de passion ».

Difficultés de recrutements :

Les conditions de travail requis dans la restauration et le manque adaptabilité ou de confiance face aux ajustement possible aux différents rythmes et périodes de l’année sont des aspects qui peuvent rendre les recrutements difficiles, du point de vue de M. Rondeau.

B.R : « Ce qui est compliqué aujourd’hui, c’est que le jeune de 22 ans, par exemple, à qui on vient de lui faire un contrat d’apprentissage. C’est 35h Et ça, ça m’exaspère. Pour une bonne et simple raison, c’est que dans la restauration, on sait quand le client arrive, mais on sait jamais quand il part. Je ne peux pas dire aux clients vous êtes obligés de partir parce qu’il faut que mes employés partent.

Il y a un manque d’adaptation à la situation des nouveaux recrutés. C’est difficile de leur faire comprendre que si aujourd’hui cette semaine ils font 40 heures ou 45 h, ce n’est pas grave. La semaine prochaine, ils feront 10h de moins pour équilibrer Moi je ne suis pas pour les heures supplémentaires de partout non plus. Il y a des lois, il faut les suivre, mais il ne faut pas être au jour le jour en disant aujourd’hui je dois faire 7 h, il faut que je fasse 7 h, ça ne fonctionne pas comme cela.

S.A : Est ce possible de pouvoir équilibrer d’une semaine à une autre ou est-ce toujours tendu ?

B.R : « Si c’est trop tendu, on embauche. Je ne peux pas me permettre de dire aux employés moi « on va travailler pendant six mois 50 heures par semaine. Je peux pas faire ça, c’est impossible. Déjà, je serai hors loi. Et puis même moralement je ne peux pas demander des choses impossibles. Vous savez, ce que je demande à mes employés ? C’est que je suis capable de le faire. Si je ne suis pas capable de le faire, je ne demande pas. 

S.A « Nous sommes dans une époque où le travail n’est pas forcément une priorité. C’est une priorité financière, mais pas forcément morale.« 

B.R : « Oui, il y a autre chose que le travail, Il y a les loisirs, il y a la famille, ce qui est légitime. Donc pour moi, ce qu’ils font une semaine de plus parce qu’il y a vraiment beaucoup de monde, je me débrouille avec les autres employés en disant qu’il va falloir mettre un coup de collier parce qu’une personne va être en repos pendant deux jours pour récupérer de la semaine plus chargée qu’il a faite ».

Productivité et bien-être des employés

L’approche humaine de L’Olivier a des répercussions positives sur la productivité. Les employés, traités avec respect et intégrés comme membres de la famille, montrent un engagement et une satisfaction qui se traduisent par un travail de qualité et une ambiance positive au sein du restaurant.

« Là, j’ai une personne en cuisine, il a été apprenti chez nous, il a passé son CAP et il a eu cette petite folie de se dire « allez hop, je vais aller voir ailleurs si l’herbe un peu plus verte ». C’est un peu les jeunes d’aujourd’hui. Ça a duré cinq mois et il m’a rappelé « Chef, est ce que vous avez encore de la place ? » Parce que ailleurs c’était pas bien . Il est revenu et aujourd’hui il est responsable de ma cuisine. Moi le personnel que je prends en général il reste. »

Le restaurant et son équipe vous reçoit avec toutes leur passion

Confiance et bien-être par l’adaptation des horaires

B.R : « Les apprentis peuvent venir à 9 h, mais ils peuvent venir aussi à 10h ou 10h30 selon le travail qu’il y a à faire. Je vais vraiment laisser cette liberté sur les heures. Ce que je veux, c’est que je donne la carte au client et qu’à 12 h que ce soit prêt pour le service. Il y a un objectif, et après, peu importe comment ils le font.

C’est leur donner aussi de la de l’autonomie et de la responsabilité. Parce que si je les couvre sans arrêt, ça n’avance pas. Ils n’auront pas ce côté challenge. Il faut qu’ils gèrent la cuisine parce que c’est les faire avancer positivement plutôt que de les manager sans arrêt »

Le bien-être de M. Rondeau , un gérant passionné

Les 2 co-gérants partagent comment cette approche affecte également leur propre bien-être. La satisfaction de voir ses employés évoluer et de créer un environnement propice à leur épanouissement personnel constitue une source de motivation continue.

M. Rondeau « Je suis fier d’avoir aidé cette personne là à être ce qu’elle devient. Moi je suis super fier de Romain. Fier de lui déjà plus que moi encore, et fier de l’avoir sorti de son isolement. Je vous raconte. Je l’ai eu, il avait 17 ans. Autiste. Aujourd’hui, il a son CAP. Il est capable de tenir la cuisine. Il a passé son permis, sa propre voiture. C’est grandiose. Vous imaginez un peu la satisfaction qu’on peut avoir ? »

« Vous savez, j’ai toujours dit aux personnes en situation de handicap qui étaient chez nous : « Moi, je ne vois pas un handicapé, je vois un humain, une personne qui a un cœur, qui a des jambes, qui vit sa vie et qui doit prouver qu’il est aussi bon que les autres ». Je n’ai jamais dit qu’il était handicapé, mais j’ai dit « Vous êtes un homme, allez y, il faut y aller. Il faut que vous arriviez à faire, comme les autres.

Il y en a qui ont vraiment des capacités plus limitées que les autres. Maintenant, on compose avec, mais je pense qu’il faut toujours leur dire ce qui est bien. Travailler sur ce qui n’est pas bien, mais absolument leur dire ce qui est bien. Pour les valoriser, pour leur confiance en eux. Parce que si on casse la confiance …

Imaginez qu’aujourd’hui je dise à Olivier : « mais vous êtes nul à chier, vous n’êtes pas capable de gérer la cuisine. Qu’est ce que vous branlé là ? » (C’est le langage habituel d’une cuisine). Qu’est ce qu’il va faire ? Il va être démotivé. Alors que si je lui dis « Votre assiette est jolie ». ET si je le dis, c’est que je le pense . « Oui, votre assiette géniale. Les clients sont super contents ». Il m’arrive même de l’appeler de la cuisine pour venir voir les clients en disant :« Voilà, c’est lui qui a fait ça ». C’est valoriser les gens. Ils rentrent dans la cuisine torse gonflé : « C’est moi qui l’ai fait. » Vous voyez, c’est une valorisation pour lui, c’est une valorisation pour les clients et pour nous.

Maintenant, s’il y a des choses qui ne vont pas, je leur dis pareil. Ils le savent. Votre assiette. « Est-ce que vous mangeriez ça ? » J’ai toujours dit aux jeunes quand vous faites une assiette, et que vous la regardez et que vous vous dites « Wow, Ça, j’aimerais bien la manger » Ok. Si ce n’est pas le cas c’est que l’assiette n’est pas bien. Donc refaites l’assiette. C’est se mettre à la place de l’autre pour dire est ce que moi ça me plairait ?

L’exemple de L’Olivier démontre qu’une gestion centrée sur l’humain n’est pas seulement possible, mais bénéfique pour tous les aspects de l’entreprise. Le fonctionnement et les valeurs transmises pour les responsables sont un exemple que toutes personnes ont des talents à valoriser et que cela est gratifiant pour tous : soi-même, l’autre et le monde.

Alors oui, cela peut rendre certains aspects difficiles. Oui, des fois cela ne fonctionne pas comme espéré. Néanmoins au final c’est toujours plus positif que négatif. En mettant en avant le bien-être des employés et en cultivant leur passion. Les co-gérants montrent indéniablement qu’il n’est pas que possible mais aussi valorisant de dépasser les aprioris que l’ont peut avoir sur le handicap et y trouver un retour sur investissement, tant au niveau qualitatif que financier. Ils recrutent en ayant cette capacité d’identifier les talents de chaque personne et ont pour mission de vie de les accompagner à être la meilleure version d’elle-même.

Les co-gérants parlent de leur équipe comme une famille. Si l’on regarde de plus près, effectivement dans une famille tout ne se passe pas toujours bien non plus. Nous pouvons apprécier plus une personne que l’autre. Nous pouvons avoir des désaccords, comme des moments où l’on porte les mêmes idées. Néanmoins, la famille reste une équipe soudée qui fonctionne (dans l’idée ici d’une famille avec un cadre sain et non pas une famille perçue comme dysfonctionnelle pour laquelle seul le sentiment de loyauté et des schémas maintiennent les liens sans que cela apporte une satisfaction de vie et un bien-être)

Les responsables et leur équipe montrent que le succès et la satisfaction au travail peuvent aller de pair. Ce modèle offre des leçons précieuses pour toute entreprise souhaitant innover dans sa gestion et faire de l’inclusivité et de l’humain une priorité.

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