L’inégalité salariale fait partie de l’injustice distributive, mais pas que. Cet article fait partie d’une suite d’articles qui parle de la justice organisationnelle. Si vous n’avez pas lu le tout premier article, faites le vite en cliquant ICI.
Nous allons ici nous concentrer davantage sur ce que l’on appelle la justice (ou l’injustice) distributive, qui englobe notamment les inégalités salariales, ou en tout cas un sentiment d’inégalités salariales.
Inégalité salariale : comprendre l’injustice distributive
L’injustice distributive concerne la perception d’un déséquilibre dans la répartition des ressources, des récompenses et des opportunités au sein d’une entreprise. Cela englobe notamment les inégalités salariales. Elle se base sur la théorie de l’équité d’Adams (1965), selon laquelle les individus comparent leurs contributions (efforts, compétences, ancienneté) aux récompenses obtenues (salaire, promotions, avantages). Il est question ici de justice des décisions prises à notre égard.
“les employés évaluent la situation d’échanges entre l’entreprise et eux-mêmes comme étant équitables lorsque leurs rétributions (augmentation, évaluation des performances,…) sont distribuées proportionnellement à leurs contributions (performance, compétences, efforts effectués pour la réalisation de la mission …) et lorsque ceux qui méritent reçoivent le plus” (Management des organisations p.56)
Lorsque cet équilibre semble rompu, un sentiment d’injustice émerge. On parle ici de principe d’équité
L’inégalité salariale sous le coup des comparaisons
Le sentiment d’injustice fait forcément appel à une comparaison. Une personne se compare à un référent ciblé, ou une situation connue ailleurs. Il est donc important pour le/la dirigeant.e et/ou manager de connaître les références, pour travailler sur les mêmes bases au risque de ne jamais réussir à comprendre les sentiments d’injustice et donc de ne jamais arriver à comprendre les besoins, et donc encore moins à y répondre (logique!).
Là où cela devient complexe, est que l’être humain n’est pas “formaté” de la même façon et le principe d’équité va différer d’une personne à l’autre. Il existe également différents cadres ou règles distributives, comme le principe d’égalité (distribuer la même la même par des ressources à tout le monde) ou le principe des besoins individuels (distribuer les ressources en fonction des besoins de chacun).
Nous ne sommes pas forcément toustes dans le même cadre de référence, ce qui peut être source de conflit.
3. Exemples concrets d’inégalités salariales et de sentiment d’injustice distributive
Imaginez, après une catastrophe naturelle, que les organisations syndicales font d’importants dons d’argent pour une structure de la région concernée par la catastrophe. Cette structure cherche alors à répartir de manière juste l’argent. Certaines personnes partiront du principe que la justice consiste à donner une somme d’argent aux personnes qui en font la demande en fonction de leurs dégâts (principe des besoins individuels), quand d’autres trouveront cette décision très injustes, car pour iels, il est important que ces dons soient divisés par le nombre de personnes de manière équitable (principe d’égalité).
Qui a tort ? qui a raison ? Ici tout le monde a raison, car le ressenti, le vécu et le cadre sont différents. Cette situation peut dégénérer en conflit si le cadre n’est pas co-construit, s’il n’y a pas d’écoute et que la communication n’est pas transparente.
• Inégalités salariales : Deux salarié.es ayant le même poste et la même ancienneté, mais des salaires différents.
• Différences de reconnaissance : Une personne travaillant sur un projet majeur n’obtient pas la même visibilité ni les mêmes primes que ses collègues.
• Accès inégal aux promotions : Certains salarié.es sont favorisé.es pour des promotions sans que les critères soient clairement définis.
Conséquences des inégalités salariales pour l’entreprise
Face à un sentiment d’injustice, le/la salarié.es va adopter différentes stratégies, de manière consciente ou non : se désengager, partit ou encore peut-être voler. Je vous propose ici une liste (non exhaustive) des conséquences que peut avoir un sentiment d’injustice :
- Démotivation et désengagement des salarié.es qui se sentent lésés.es.
- Augmentation du turnover, notamment des talents qui se sentent sous-valorisés.
- Climat social dégradé, pouvant créer des tensions et des conflits entre collaborateurices.
- Diminution de la performance collective, car la perception d’injustice nuit à l’investissement individuel.
- Vol de l’entreprise : Si le/la salarié.e se sent lésé.e par une inégalité salariale et/ou en terme de rétribution, pourra avoir le sentiment de compenser en récupérant du matériel, en prenant dans la caisse ou encore en volant du temps. Ces attitudes seront perçues comme légitimes face à l’injustice vécue.
Outils et actions pour garantir l’équité distributive
Il est possible de sécuriser ce sentiment de justice, mais cela demande une forte compétence d’analyse et surtout de remise en question de soi. En effet, nous pouvons sembler juste et objectif, sauf qu’au fond, nous ne le sommes vraiment jamais à 100%. Pour quelle raison ? La raison principale est que nous sommes HUMAINS, avec nos propres lunettes d’interprétation, d’analyse et de jugement. Ces lunettes sont construites par nos croyances (nos apprentissages), nos représentations sociales et nos expériences. Par définition, nos lunettes ne sont donc que subjectivité. Néanmoins, il y a des possibilités de contre-carrer tout ça : conscientiser, et s’efforcer d’utiliser des outils d’objectivation.
Quelques exemples d’actions concrètes d’objectivation :
✅ Audit des salaires et des avantages : Mettre en place une grille de rémunération transparente.
✅ Définition claire des critères de promotion et de récompense : Utiliser des indicateurs objectifs et communiquer sur les processus pour éviter les sentiments d’inégalités salariales. Plus les procédures sont claires et justifiées moins il y a d’inégalités salariales vécues.
✅ Évaluation des performances sur des bases factuelles : S’appuyer sur des indicateurs mesurables plutôt que sur des impressions subjectives. Attention : mesurable ne veut pas dire que des chiffres. Un taux de satisfaction, des verbatims sont tout autant analysables, et peut-être même plus.
✅ Sensibilisation des managers à l’équité : Former les dirigeant.es /managers à identifier et corriger les biais inconscients dans la distribution des ressources. Cela peut passer par de l’introspection. Du développement personnel si vous préférez….Oulala le gros mot. Je vous invite à lire cet article “Bien-Être au Travail : Dépasser les Ateliers de Développement Personnel” , qui reprend ma vision du développement personnel en en entreprise.
✅ Mécanismes de feedback et de réclamation : Permettre aux salarié.es d’exprimer leurs préoccupations en matière de répartition des ressources. Cela demande néanmoins un climat de confiance au sein de l’entreprise. Si ce climat de confiance n’est pas construit, ou a été cassé… travaillez dessus dans un premier temps avant de chercher des feedbacks qui ne risquent pas d’être constructif. Ou alors, ouvrez des espaces de discussions sur le travail. J’en anime, cliquez ici pour en savoir plus.
Conclusion
Nous avons abordé la question de justice distributive. Mais ça serait trop beau s’il suffisait de s’inquiéter de cette notion. L’être humain est beaucoup plus complexe que cela, et son engagement va se trouver dans des processus systémiques. Nous verrons donc dans le prochain article la notion de justice procédurale, qui entre également en jeu.
Sources
Adams. J.S (1965). Inequity in Social Exchange.in L.Berkowitz (Ed.), Advances in Experimental Social Psychology, 2, 267-299. NY : Academic Press
Dirk D. Steiner et Florence Rolland. Comment réussir l’introduction de changement : les apports de la justice organisationnelle. Management des organisations chapitre 2, 53-69
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